dimanche 28 avril 2013

Quand la Mission devient Mission Impossible...

Il y a des moments où c'est trop.

Trop de travail, trop de responsabilités, trop d'incompréhensions sur le rôle de chacun, sur mon rôle à moi, trop d'inconnues dans les problèmes à résoudre. Toujours les mêmes.
Où on n'y voit plus clair du tout. Où tout le monde semble faire le sourde-oreille à mes cris de désespoir. Où la comédie commence à prendre des aires de drame.

Alors bêtement on s'angoisse, on s'obstine, on s'énerve, on se met en colère, on est sûr d'avoir raison... Sans que évidement, rien ne soit résolu. Puisqu'on n'écoute plus, qu'on ne regarde plus, qu'on s'enferme dans son orgueil. Bref, qu'on s'isole.

Pourquoi réagit-il comme ça ? Pourquoi ne me répond-t-il pas ? Pourquoi a-t-il pris cette décision qui me semble totalement infondée ? Pourquoi n'agit-il pas avec plus de méthode ? 
Autant de questions qui trouvent leurs réponses dans la diversité des hommes avec lesquels je travaille. 
On aurais pas pu imaginer une équipe plus hétéroclite. En âge, en nationalité, en langues, en parcours professionnel, en engagement, en compétences. Difficile alors de trouver une longueur d'onde commune.
Et moi, au milieu de tout ça, la plus petite, la seule fille, je m'épuise à chercher la bonne fréquence...!
Inlassablement, essayer de comprendre ce que l'autre vit pour le rejoindre et ensuite pouvoir avancer ensemble.

Difficile de ne pas se décourager et de ne pas prendre ses deux jambes à son coup pour sauter dans le premier taxi-brousse. Et puis non, ce serait baisser les bras avant d'avoir mené le combat jusqu'au bout, avant d'avoir épuisé toutes les ressources, avant d'avoir tout donné.

Si Il m'a envoyé ici, c'est qu'il doit bien y avoir une raison...
Si Il me l'a confiée, cette mission, c'est qu'il va m'aider à la réaliser...
Il sait bien que je ne suis pas Tom Cruise, que je n'ai pas de caméras secrètes pour comprendre le fonctionnement de l'administration malgache, ni de moto à réaction pour courir entre les fournisseurs, le bureau, l'ingénieur et le chantier.
Il ne peut pas me laisser toute seule, alors.

Et en y regardant de plus près, on se rencontre que non, on est pas tout seul. Qu'au final, on est très entouré même. 
Qu'il suffit juste (!) de porter un regard différent sur la situation pour y voir tous les potentiels et non plus tous les manques.
Qu'il suffit juste (!) de connaître les potentiels de chacun pour savoir de quelle manière il pourra être utile au projet et éviter de s'entêter à lui demander des choses dont il n'est pas capable.
Qu'il suffit juste (!) d'apprendre à faire avec les gens comme ils sont et non pas comme on rêverais qu'ils soient. Oui, ce serait certainement plus confortable si j'avais un chef de projet de chez Bouygues, un ingénieur des Ponts et Chaussées et une entreprise générale qui sache faire la plomberie et l’électricité en plus de la maçonnerie. Mais ce n'est pas la réalité. 

La réalité, c'est l'aventure humaine qui se construit jour après jour autour des plans, des tuyaux en PVC et des mètres cubes de béton, ici et maintenant. Cette réalité, il faut d'abord l'accepter comme elle est, avec tout ce qu'on ne comprend pas encore et tout ce qui restera inconnu. Et accepter aussi ceux qui sont là. Et les malgaches sont de bons exemples dans ces situations. Eux savent vivre au présent et non pas dans une perpétuelle fuite en avant. Ils savent aussi qu'il est mauvais de briser les liens qui unissent les hommes entre eux, et que le rejet de l'autre est aussi un rejet de soi puisque nous sommes appelés à vivre ensemble.
Il faut donc apprendre à doser la confiance qu'on met dans les gens avec qui on travaille. Pas trop d'un coup. Pas trop peu non plus. D'abord le nécessaire pour avancer ensemble, puis un peu plus si la mayonnaise prend correctement et puis ensuite l'extension de contrat si le premier est rempli ! Banco ! Ca commence à sentir la victoire !

Ne pas oublier de regarder en Haut pour pouvoir avancer

mardi 9 avril 2013

Ô Joie !


Ces images et impressions ont été cueillies au fil des 100 km parcours à pieds pendant la Semaine Sainte, à la rencontre des communautés chrétiennes des villages de Ambalakirajy, Bebana, Amputamasina, et Andohadjango (Région de Mandritsara). L'équipe itinérante était formée de Clermont (élève de terminal au petit séminaire de Mandritsara), Cristoline et Staelle (accompagnatrices féminines), Père Guillaume (Père MEP), et de Beaudoin, Paul, Sixtine et moi (volontaires MEP). C'était donc un groupe mixte composé de vazzaha et de malgaches au sein duquel nous avons pu confronter nos habitudes et nos connaissances, pour le plus grand étonnement de chacun ! Entre chaque village, plusieurs habitants nous guidaient pour nous indiquer le chemin et partager notre route.












Joie de tous ces enfants qui accourraient vers nous avec une spontanéité déconcertante ! Au programme : jeux, danses, chants, éclats de rire...Tout était naturel, rien n'avait été anticipé, et pourtant que de richesses dans ces moment partagés. Pour une fois, les barrières semblaient être tombées et les rapports étaient vrais et simples : musique et danses nous ont permis d'échanger bien plus que de longues conversations. La relation que l'on a pu établir avec eux était, pour une fois, libre de tous codes et de toute arrière pensée, loin des manipulations politiques et économiques qui font tant de mal au pays.
Quelle surprise de voir les plus jeunes enfants qui, apeurés, hurlent en nous voyant débarquer, nous, blancs, inconnus, venant d'une autre planète. On se sentait un peu comme E.T. débarquant sur la Terre et effrayant tout les hommes sur son passage !
Et quel émerveillement d'observer une petite fille découvrant avec étonnement toutes les images des cartes "atouts" du tarot que j'avais remportées, ou une autre feuilleter les pages du livre de messe de Sixtine à la recherche des illustrations, ou encore une autre s'arrêtant sur l'image d'un couple de vazzaha et regardant l'intérieur de sa main pour s'apercevoir que, oui, elle aussi elle avait un peu de peau blanche...









Joie d'aller à leur rencontre en marchant. Ici, pas d'autres moyens de se déplacer de villages en villages. Les pluies rendent beaucoup de chemins impraticables aux 4x4 et aux motos. Et tant mieux pour nous parce que la marche nous connecte directement avec leur mode de vie. Combien de familles rencontrées dans ces chemins sinueux et escarpés, chargées de leur sac de riz et de leurs poulets, pour aller vendre leur récolte dans le village d'après. Ils marchent au pas de course, souvent pieds nus, habitués depuis leur enfance à parcourir de longues distances. A nous de prendre le rythme pour essayer de les suivre !
La marche nous rend sensible à notre environnement. Elle nous oblige à l'accepter et nous force à en chercher les logiques. Là où nous, vazzaha, nous arrêtons devant chaque obstacle (étendue de boue, petite rivière, escarpement) pour évaluer la situation et choisir la meilleure voix, eux, malgaches, savent tout de suite le chemin à emprunter !







Joie de se sentir en connexion avec la nature. Une nature qu'ils connaissent très bien et qui ne semble plus avoir beaucoup de secrets à leur cacher. Une nature dans laquelle ils ont appris à vivre et avec laquelle ils semblent vraiment en communion. Une nature encore très sauvage où l'on se sent très petit. A l'heure où le monde occidental commence à prendre conscience du développement durable et de notre responsabilité individuelle dans l'avenir de notre planète, les malgaches savent très bien nous montrer comment utiliser ce qu'ils ont à porter de leurs mains pour satisfaire leurs besoins vitaux : se nourrir, s'abriter. Il leur manque, néanmoins, une vision à plus long terme qui leur permettrait d'arrêter certains drames comme les feux de brousse ou la déforestation sauvage.







Joie de partager leur quotidien. Chez eux, c'est le village. La maison ce n'est qu'une seule pièce, là où l'on dort. Là où l'on vit, là où on se rencontre, là où on discute, là où l'on joue, c'est dans la rue. Ensemble. C'est bien différent du "chacun chez soi dans son appartement" auquel nous sommes habitués à Paris. Ici, on se lave dans la rivière, on cuisine par terre, tous ensemble.
Et l'ambiance est géniale ! A la douche, ça donne ça : "Tena fostsy isy ireo !"("Elles sont vraiment blanches !")... Non, non, ce n'est pas du maquillage ! Et à la cuisine : "Mahay be manao la kosina isy !"("Elle sait bien faire la cuisine !") Oui, oui, ça m'est déja arrivé de couper des légumes ! 
Ils ne semblent jamais faire quelque chose tout seul. Par contre, hommes et femmes ne se mélangent pas, chacun sait quelle est sa tâche. Ils ont réussi à faire de leurs villages un "chez nous" en nous laissant habiter leurs maisons et leurs lits, en nous accueillant chaleureusement. Belle leçon à nous qui ouvrons si difficilement notre porte aux inconnus !





Joie de ces communautés chrétiennes qui vivent loin de tous et de tout et qui tiennent dans la prière ! Les moyens ne sont clairement pas ceux auxquels nous sommes habitués, encore une fois. Pas d'ornements dans l'église, pas de cloche mais un morceau de tôle rouillé sur lequel on frappe, pas de chemin de croix sculpté mais des croix en bois taillé à la machette et planté en 10 min autour de l'église ! L'important étant le cœur avec lequel ils vivent leur foi. Et elle est bien présente. Comme en témoigne leur participation à la construction des églises - ce sont eux qui les financent en partie - et l'accueil et la simplicité avec laquelle ils étaient disponibles pour nous, étrangers...