mercredi 23 avril 2014

Au pas, Madagascar où l’éloge de la lenteur.



Depuis maintenant quelques semaines, je découvre Tana en conduisant. Après avoir exercé mes chevilles sur les pavés défaits, la tête baissée, je  les expérimente maintenant au volant. Le résultat est plutôt amusant : avec une roue à plat par semaine nous connaissons maintenant le réparateur par son prénom ! Malgré la lenteur de la circulation, difficile de slalomer entre tous les trous ou d’éviter les pierres qui jalonnent les rues pavées sans esquinter notre fier destrier. 

La circulation, parlons-en justement ! Tout s’y mélange et tous s’y emmêlent ! Les charrettes, les bus, les scooters, les voitures, les camions de 5 tonnes, les vélos, les piétons. Et encore, nous n’avons ni les pousse-pousse d’Antsirabe ni les touk-touk de Mahajanga ! Mais nous avons les 12 collines de Tana !
Comment peut-on s’accommoder de tous ces véhicules quand les trottoirs sont inexistants où accaparés par les vendeurs qui y installent leurs étals, quand les rues sont si étroites que deux voitures n’arrivent pas à s’y croiser, quand il s’agit de se frayer un passage au milieu d’une marée humaine ? Et pourtant, jamais une situation n’a été inextricable ! A grand renfort de démarrages en côtes, de coups de klaxon pour remercier et de sourires amusés, tout n’est qu’une histoire de temps. En effet, il ne faut pas être pressé. L’urgence n’existe pas. La hâte n’est pas comprise. Et au contraire, les salutations et les gestes de bienveillance qui accompagnent ces rencontres fortuites sont perçus comme autant de signes encourageants !

Cette lenteur de mes déplacements me donne à voir différemment le monde qui m’entoure. A pieds, je me sens vite assaillie. Bousculades, vols, mauvaises odeurs, tout est agressif. En voiture, je suis protégée, un peu comme dans une bulle, et j’avance tout doucement, au rythme des embouteillages. Et j’ai le temps de regarder, d’observer, de contempler. 

Les couleurs magnifiques de toutes ces fleurs arrosées par ces si longues pluies, ces couchers de soleil splendides sur le palais de la Reine, cette vie fourmillante devant les épiceries ouvertes sur la rue, ces étendues de rizières jaunies par le soleil. Mais aussi la misère de ces familles fouillant dans les bennes à ordure, ces femmes assises à même le sol en allaitant leurs enfants, ces bambins qui mendient dès qu’ils sont en âge de parler, ces hommes saouls de toaka gasy. Comment ne pas être scandalisé ? Mais sur quoi cette indignation doit-elle déboucher ? Quel est le geste juste ? Dur combat qui me pousse dans mes retranchements.

La lenteur fait partie de leur quotidien, de leurs habitudes. On ne s’étonne donc qu’à peine que le Premier ministre ne soit nommé que maintenant, quatre mois après l’investiture du nouveau président. 

Mais derrière ce rythme qui nous déconcerte parfois, il y a un vrai apprentissage. Celui de porter attention à ce qui nous entoure, celui d’accueillir chaque instant comme un don reçu et non pas comme une chose contrôlée, celui de s’émerveiller de la vie qui jaillit en abondance, sous nos yeux.

Récolte du riz à Antsirabe

2 commentaires:

  1. "En voiture, je suis protégée, un peu comme dans une bulle, et j’avance tout doucement, au rythme des embouteillages. Et j’ai le temps de regarder, d’observer, de contempler."

    Et surtout, personne qui te crie dessus parce que tu n'avances pas assez vite ! Ca doit être "reposant" d'une certaine manière... Prendre le temps, c'est le début du bonheur!

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  2. Ton article m'a donné le sourire, la journée commence bien. ;)
    Elisabeth

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