dimanche 28 septembre 2014

Bribes de culture malgache : le mariage

Ces derniers temps, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises d'être confrontée de manière assez vive à certains aspects de la culture malgache que je n'avais pas encore saisis jusque là ou que j'avais simplement deviné mais pas encore vécu. Étonnements et questionnements ainsi que joies et déceptions étaient au rendez-vous ! En voici quelques extraits.

Le premier évènement fut le mariage de Tsiry.
J'ai connu Tsiry quand nous travaillions ensemble pour l’hôpital de Mahajanga, à mon arrivée à Madagascar. Tsiry était en apprentissage sur le chantier et continuait d'étudier à l'école de temps en temps. C'était lui le plus instruit de l'équipe et le seul qui parlait français. Il me fut d'une grande aide avant que ma maîtrise de la langue ne s'améliore.
Au mois d'août, je reçu un texto de sa part m'invitant à son mariage. Bien que nous ayons gardé contact, je ne connaissais pas la nouvelle et me suis réjouie de cette fête à venir. L'année dernière, j'avais déja été accueillie chaleureusement dans son village par sa famille lors d'un famahadiana (fête du retournement des morts). Le lieu m'était donc familier et j'étais pleine d'enthousiasme de découvrir la manière de célébrer un mariage à Madagascar.
Je suis arrivée chez eux tôt le matin, en espérant pouvoir échanger avec lui sur leur manière de vivre cet évènement.
En voyant son costume, les enfants d'honneur, les décorations selon un thème (la couleur jaune), je me suis étonnée des ressemblances avec notre manière européenne de fêter un mariage. 

"-Vous n'avez pas de vêtements traditionnels pour le mariage ?
 -Si mais vous c'est comme ça que vous faites, avec un costard et des décorations de la même couleur, non ?
 -Oui, c'est vrai. Donc c'est un mariage à la façon française que vous allez faire ?
 -Oui, c'est ça."

Bon, au moins, c'est clair. Ne pas chercher d'éléments de la culture malgache mais plutôt des pastiches de ce que l'on peut faire chez nous. Et c'est gagné ! J'ai trouvé toute la panoplie : du costume-papillon flambant neuf en passant par la parade en voiture de location dans le village et en oubliant pas les fleurs jaune en plastique, tout y était ! Un mariage à la française agrémenté du kitsh malgache ! Moi qui m'attendais à de l'authenticité et à de la véracité, j'étais servie !
Habiter en brousse est perçu comme une honte de laquelle ils essayent d'échapper en copiant un mode de vie qui leur échappe. Tout n'était que façade, paraître et supercherie : sur les nappes initialement blanches la poussière laissait déjà apparaître le rond des verres; derrière des canapés énormes se cachait le trou dans la cabane qui faisait office de wc tous les jours; malgré un menu imprimé individuellement et rédigé à la manière des restaurants français, les invités mangeaient la viande à la main et déposaient les os directement sur la table.

De mes questionnements naïfs est née une grande déception. Celle de les voir renier leur traditions, et par là leur pays, pour emprunter celles d'autres qu'ils ne connaissent pas et qui n'ont aucun sens pour eux. Sinon celui de s'enorgueillir auprès des membres de la famille de tous les moyens déployés pour la fête et d'assoir ainsi leur position sociale dans le village.
Le titre du dernier liver de Sylvain Urfer, "Madagascar, une culture en péril ?" a tout d'un coup pris une signification beaucoup plus concrète...




 
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Le deuxième évènement fut le vodiondry de Patrick.
Patrick est un des ouvriers avec qui je travaille quotidiennement  sur le chantier du foyer d'étudiants à Tananarive.  Un peu timide mais surtout très excité, il m'a invité samedi dernier, à son vodiondry, mariage traditionnel qui correspond à une étape indispensable avant le mariage religieux et le mariage civil.
Vodiondry signifie littéralement "le postérieur de l'agneau". C'est le cadeau qui est offert à la  famille de la femme en signe de respect. Aujourd'hui, il est remplacé par des enveloppes mais le nom et le sens restent les mêmes.
Ravie d’honorer son invitation, j'espérais bien que cette deuxième chance soit plus concluante que la première ! Et je n'en fut pas déçue !

Le vodiondry est en fait un échange de discours (kabary) entre la famille de l'homme et la famille de la femme afin de conclure l'alliance. Chaque famille est représentée par un porte-parole (le mpikabary) qui est le seul à s'exprimer. Son rôle est d'argumenter en faveur de sa famille, en réponse au discours adverse. 
La famille de la femme cherche à s'assurer des qualités du prétendant et de sa capacité à assumer les responsabilités du nouveau foyer et les besoins de sa future femme.
La famille de l'homme doit répondre à toutes ces interrogations en vantant les mérites de l'homme.
Il s'agit de longs échanges très codifiés faisant appel à de nombreux proverbes malgaches. Autant vous dire que je n'ai saisi que la forme et que j'ai du me faire expliquer le fond.
Après toutes ces étapes franchies, et l'approbation de la famille de la femme accordée, celle-ci est (enfin !) invitée à entrer et à prendre sa place à côté de son mari. Une fois l'alliance conclue entre les deux familles, l'ambiance s'est détendue, et les langues se sont déliées au rythme de la musique.

Malgré les premiers échanges solennels (empruntant même les codes du théâtre) laissant imaginer le manque de spontanéité que peuvent représenter ces protocoles, j'étais enchantée de voir Patrick exprimer sa joie, simple et vraie, en tenant Tatamo par la main.

A travers la pratique de ces coutumes, j'y ai vu un très beau témoignage de respect mutuel des familles et d'encouragements pour le jeune couple.
Vive les mariés !

Jean-Baptiste, représentant de la famille de Patrick
L'oncle de Tatamo, représentant de sa famille.
Les mariés !